5.8.2 Respiration spontanée

Inspirium spontané
 
Pendant un inspirium spontané, la Pit baisse en dessous de la Patm (Pit négative) par agrandissement de la cage thoracique ; les cavités cardiaques se dilatent comme si elles étaient "aspirées" par leur environnement (Figure 5.92). Le flux de la VCS augmente de 13% et celui de la VCI de 53% [2]. La Ptm augmente :
 
                Ptm = Pic - (- Pit) = - (Pic + Pit)
 

Figure 5.92 : Inspirium en respiration spontanée. La pression intrathoracique (Pit) diminue à cause de l’expansion de la cage thoracique (flèches vertes), les cavités cardiaques sont "décomprimées" par la dépression ambiante (flèches blanches). Comme la pression dans l’OD baisse par rapport à la Patm et à la Pabd, la précharge droite et le volume du VD augmentent ; le sang est aspiré dans les poumons et le flux dans l’AP est élevé. La situation est inverse dans le coeur gauche: le sang est stocké dans les poumons en dépression, le retour veineux à l'OG diminue et la précharge du VG baisse ; la dépression qui entoure ce dernier augmente la Ptm qu’il doit fournir pour maintenir la même pression par rapport à la Patm. Lorsque l’inspirium est profond, le grand volume du VD et le bas volume du VG déplacent le septum interventriculaire de la droite vers la gauche (flèche noire), ce qui réduit la compliance diastolique du VG. Le volume systolique du VG baisse en inspirium (pouls paradoxal). Pit : pression intrathoracique. Patm : pression atmosphérique. Pabd: pression abdominale. Ptm: pression transmurale. VCI: veine cave inférieure. VCS: veine cave supérieure. AP: artère pulmonaire. VP: veines pulmonaires. 
 
Au niveau du cœur droit, la ΔPit inspiratoire représente le 30-50% de la Pic normale. On observe :
 
  • Baisse de la POD (pression d’aval du retour veineux) et augmentation de la PVCI par la descente du diaphragme (pression d’amont du retour veineux cave inférieur) ; la précharge droite augmente, ce qui se traduit par une augmentation du flux tricuspidien et un agrandissement du VD jusqu’à 30%.
  • Augmentation du flux artériel pulmonaire par deux mécanismes :
    • Augmentation de la précharge du VD;
    • Baisse de la postcharge du VD (le sang est aspiré dans les poumons en dépression).
  • Ce phénomène a une limite : une différence extrême entre la Pit et la Patm (Pit << Patm) entraîne un collapsus de la VCI à l’entrée du thorax et en bloque le retour veineux, parce que la Ptm de la VCI tombe en dessous de sa pression critique de fermeture (Pcrit).
Au niveau du cœur gauche, la situation est très différente.
 
  • Diminution du volume systolique du VG (normalement ≤ 10%) par deux phénomènes.
    • Baisse de la précharge du VG parce que la pression d’amont des veines pulmonaires (VP) diminue (stockage de sang dans le poumon par l’inspirium), ce qui tend à restreindre le retour vers l'OG ; ce phénomène est limité par le fait que l’OG est soumise à la même dépression intrathoracique (le gradient de pression VP – OG est peu modifié). 
    • En diastole, l’augmentation de volume du VD et la diminution de précharge du VG conduisent à un bombement passif du septum interventriculaire dans la cavité gauche, qui diminue le remplissage du VG par baisse de sa compliance (effet Bernheim) ; c’est le mécanisme principal dans la baisse du Vtd gauche.
  • Augmentation de la tension de paroi du VG : comme sa postcharge est à l’extérieur de la cage thoracique (Patm), le VG doit générer une Pic plus élevée pour maintenir la même PA systolique puisque la Pit négative le "décomprime" en permanence et s’additionne à sa Ptm: Ptm = Pic - (- Pit ).
Si le VG développe une Pic de 120 mmHg, mais qu’il est "décomprimé" par la dépression ambiante (Pit : - 20 mmHg), la pression mesurée en périphérie sera : 120 – 20 = 100 mmHg. Pour conserver une pression systémique identique, il devra développer une pression transmurale de 20 mmHg plus élevée (120 + 20 = 140 mmHg) ; c’est l’équivalent d’une augmentation de postcharge. La chute de la pression mesurée dans un bras pendant l’inspirium spontané se traduit par une oscillation respiratoire de la courbe de pression artérielle systolique dont l’amplitude normale est de l’ordre de 5-10 mmHg [3]. C’est l’équivalent physiologique du pouls paradoxal, dont seule l’exagération dans la péricardite ou la tamponnade est pathologique. L’inspirium spontané se traduit donc par une augmentation de la précharge ventriculaire droite et de la postcharge ventriculaire gauche.
 
Expirium spontané
 
Cette situation correspond à l’inverse de la précédente. La Pit augmente par rapport à la Patm; la Ptm diminue ; les cavités cardiaques sont comprimées de l’extérieur par le rétrécissement de la cage thoracique, donc leur contraction facilitée (Figure 5.93) :
 
                Ptm = Pic - (+ Pit) = Pic - Pit
                Pic = Ptm + Pit
 

Figure 5.93 : Expirium en respiration spontanée. La pression intrathoracique s'élève, le régime des pressions est inversé, les effets hémodynamiques également. Les cavités cardiaques sont comprimées par la pression transmurale qui s'additionne à la pression intracavitaire (par rapport à la pression atmosphérique); la compression du VG lui fournit une aide à l'éjection; le retour droit diminue de volume alors que le retour gauche augmente. Le septum interventriculaire tend à basculer dans la droite si l’amplitude des variations de Pit est importante. Pit : pression intrathoracique. Patm : pression atmosphérique. Ptm : pression transmurale. VCI : veine cave inférieure. VCS : veine cave supérieure. AP : artère pulmonaire. VP : veines pulmonaires.
 
Au niveau du cœur droit, le volume systolique du VD et le flux dans l’AP diminuent.
 
  • Baisse de la précharge par augmentation de la POD (pression d’aval) et baisse de la Pabd (pression d’amont) lorsque le diaphragme remonte ; le retour veineux diminue.
  • Augmentation de la postcharge du VD : les poumons comprimés par la cage thoracique augmentent la résistance à l’éjection ; ce phénomène est limité par le fait que le VD est comprimé de la même manière et que le gradient de pression VD – AP est peu modifié.
Au niveau du coeur gauche, le volume systolique et le flux aortique augmentent.
 
  • Augmentation de précharge de l’OG car les poumons comprimés chassent le sang par les veines pulmonaires ; ce phénomène est limité par le maintien du gradient de pression VP – OG.
  • Diminution de la Ptm du VG ; celui-ci est comprimé de l’extérieur par la cage thoracique ce qui facilite son éjection vers l’extérieur où la Patm ne s’est pas modifiée. Sa postcharge effective diminue, et la PA systolique mesurée en périphérie s’élève. 
Si le VG développe une Pic de 120 mmHg, mais qu’il est "comprimé" par la pression ambiante (Pit : + 20 mmHg), la pression mesurée en périphérie sera : 120 + 20 = 140 mmHg.
 
Cycle respiratoire
 
En respiration spontanée, le mécanisme principal des interactions cardio-respiratoires est la phase de dépression intrathoracique. C’est elle qui augmente le volume du cœur droit au détriment du cœur gauche et occasionne la baisse du volume systolique du VG. Les modifications instantanées décrites ici sont d’origine purement mécanique ; elles sont induites par les variations phasiques du régime de pression intrathoracique et intra-abdominal. Par contre, les altérations ventilatoires de longue durée, comme la PEEP, dépendent à la fois des effets mécaniques et de facteurs de régulation neuro-humorale [1]. 
 
 
Interactions cardio-respiratoires: respiration spontanée
Inspirium:
    - ↓ pression intrathoracique (expansion de la paroi thoracique)
    - ↑ pression abdominale (contraction du diaphragme)
    - ↑ pression transmurale des cavités cardiaques
    - ↑ précharge du VD
    - ↓ postcharge du VD, ↑ flux artère pulmonaire
    - ↓ précharge du VG
    - ↑ postcharge du VG, ↓ flux aortique
 
Expirium:
    - ↑ pression intrathoracique
    - ↓pression transmurale des cavités cardiaques
    - ↓précharge du VD
    - ↑ postcharge du VD, ↓ flux artère pulmonaire
    - ↑ précharge du VG
    - ↓ postcharge du VG, ↑ flux aortique
 
Ces données présupposent que la Ptm de la VCI est > Pcrit (normovolémie). Les variations physiologiques du flux aortique et de la pression artérielle sont ≤ 10%. 


© CHASSOT PG  Août 2010, dernière mise à jour Novembre 2018
 
 
Références
 
  1. FEIHL F, BROCCARD AF. Interactions between respiration and systemic hemodynamics. Part I: basic concepts. Intensive Care Med 2009; 35:45-54
  2. KUZO RS, POOLEY RA, CROOK JE, et al. Measurement of caval blood flow with MRI during respiratory maneuvers:   implication for vascular contrast opacification on pulmonary CT angiographic studies. Am J Roentgenol 2007; 188:839-42
  3. MICHARD F. Changes in arterial pressure during mechanical ventilation. Anesthesiology 2005; 103:419-28