7.5.5 Incidents critiques et accidents en CEC

Les problèmes aigus surviennent dans 0.4 – 1% des CEC [1,3,4]. Les accidents les plus dangereux sont la dissection aortique, l'embolie gazeuse, le défaut d'oxygénation et la thrombose du circuit (voir aussi Que faire en cas de problème aigu ?). 
 
  • La dissection de l'aorte survient au démarrage de la CEC; elle est due à une canulation accidentellement intrapariétale. On assiste à une disparition immédiate de l'onde de pression sur le cathéter artériel alors que la pression est élevée sur la canule artérielle de CEC, et à un très mauvais retour veineux vers la machine; l'aorte ascendante se boursouffle et devient violacée. Le traitement est une remise en charge immédiate. On prévient cet accident en contrôlant que la courbe de pression est normale et bien pulsatile sur la canule artérielle de CEC avant la mise en marche. 
  • L'inversion des canulations artérielle et veineuse: l'aorte est vidée de son sang alors que l'OD est gonflée sous pression. Le risque majeur est l'accumulation d'air dans l'aorte, qui embolisera lorsque la circulatioin sera rétablie. Il faut immédiatement arrêter la machine, mettre le malade en position de Trendelenburg, drainer l'aorte et procéder comme lors d'embolie gazeuse. 
  • L'embolie gazeuse peut survenir à tout moment. L'air pénètre dans le circuit par le réservoir veineux, les aspirations, la cardioplégie, l'oxygénateur, les filtres ou des déconnexions; les bulles se forment localement lorsque la pression baisse brusquement à un endroit du circuit (cavitation), ou lorsque la température du sang augmente (baisse de solubilité des gaz). Des poches d'air se constituent dans les cavités cardiaques gauches lorsque celles-ci sont ouvertes dans le champ opératoire. L'air peut passer de l'OD à l'OG par un foramen ovale perméable. L'air ambiant est aspiré dans le coeur gauche si le patient a des mouvements diaphragmatiques pendant que le VG ou l'OG sont ouverts.
  • La présence d'air dans la canule artérielle commande des mesures immédiates: 
  • Arrêt de la pompe;
  • Position de Trendelenburg forcée pour diminuer le risque de progression de l'air dans les carotides;
  • Débullage de l'aorte, perfusion rétrograde (1-2 L/min) hypothermique (20-24°) par la veine cave supérieure pour perfuser le cerveau a retro et vidanger l'air qui s'est infiltré du côté artériel;
  • Reprise de la CEC normale après vidange complète de l'air;
  • Administration de mannitol et de stéroïdes;
  • Scanner ou IRM dès que possible. 
  • L'hypoxémie est liée à un défaut d'alimentation en O2 (mélangeur, déconnexion), à un défaut de l'oxygénateur, ou à une désaturation excessive du sang veineux (bas débit, hématocrite trop bas, consommation excessive, hyperthermie). La curarisation permet de diminuer la consommation d'O2 musculaire de 30% lorsque la SvO2 et/ou la ScO2 sont trop basses [2].
  • L'obstruction du retour veineux ne laisse que le temps de vider le réservoir pour se trouver face à une machine stoppée automatiquement par l’asservissment de la pompe au niveau de sang du réservoir. Le blocage veineux est du à l'infiltration d'air dans les canules veineuses ("air lock"), à un positionnement inadéquat des canules, à des manipulations du cœur ou à une obstruction de la canule par la paroi auriculaire en cas d’aspiration (vacuum-assisted venous return). Il faut immédiatement réduire le débit de pompe pour éviter l'arrêt, remplir le réservoir de Ringer-lactate et repositionner les canules.
  • Une panne de la pompe principale commande le clampage immédiat du circuit artériel et veineux, et le passage sur une pompe de secours. La reprise en manuel est possible en cas de défaut d'alimentation électrique, mais elle est exténuante et ne permet pas de tenir le débit très longtemps. 
  • La thrombose du circuit est un événement catastrophique qui oblige à interrompre la CEC pour changer immédiatement le réservoir, l'oxygénateur et les filtres. Elle est due à une héparinisation insuffisante, à une administration intempestive de protamine, ou à l'utilisation des aspirations de cardiotomie après neutralisation de l'héparine par la protamine. C'est la raison pour laquelle on respecte scrupuleusement certaines règles en CEC: contrôles fréquent de l'ACT, préparation de la protamine au moment de son utilisation et jamais à l'avance, aspiration par le CellSaver™ dès que l'on débute la protamine après la CEC, car la machine doit demeurer fonctionnelle au cas où il faut repartir en pompe.
Il existe encore un long catalogue de toutes les pannes et accidents qui peuvent survenir au cours d'une circulation extracorporelle: défaillance mécanique de pompe, panne électrique, déconnexions, occlusion de filtre, etc. 
 
 
 Incidents et accidents en CEC
Incidents fréquents : hypotension, obstruction du retour veineux, hypoxémie, bulles dans le circuit, air dans les cavités gauches
Accidents : dissection aortique, embolie gazeuse massive, thrombose dans le circuit, déconnexion


© CHASSOT PG, GRONCHI F, Avril 2008, dernière mise à jour, Avril 2018
 

Références
 
  1. DEPOIX JP, BERROETA C, PAQUIN S. Conduites pratiques en circulation extracorporelle. In: JANVIER G, LEHOT JJ (ed). Circulation extracorporelle: principes et pratique, 2ème édition. Paris, Arnette Groupe Liaison SA, 2004, 571-80
  2. IRISH CL, MURKIN JM, CLELAND A, et al. Neuromuscular blockade significantly decreases systemic oxygen consumption during hypothermic cardiopulmonary bypass. J Cardiothorac Vasc Anesth 1991; 5:132-7
  3. KURUSZ M. Lessons from perfusion surveys. Perfusion 1997; 12:221-8
  4. MEJAK BL, STAMMERS A, RAUCH E, et al. A retrospective study on perfusion incidents and safety devices. Perfusion 2000; 15:51-9