15.4.7 Impact de l'ETO

L'utilité de l’ETO en salle d’opération et en soins intensifs relève de quatre domaines [2,6]:
 
  • L’évaluation de l’anatomie et de l'hémodynamique complexe des congénitaux;
  • L’évaluation de la fonction ventriculaire et de la volémie;
  • En chirurgie cardiaque, l’examen avant correction met en évidence des lésions inattendues dans 7% des cas;
  • L’éxamen après correction (post-CEC) justifie une reprise immédiate pour lésions résiduelles dans 8% des cas.
L’ETO est utilisée aussi bien en salle de cathétérisme qu’en salle d’opération ou aux soins intensifs. Elle est un complément à la voie transthoracique pour la définition des lésions postérieures (retour veineux anormaux), septales (CIA, CIV, canal AV) ou mitrales. Elle est indispensable pour guider les interventions endovasculaires (dilatation valvulaire, occlusion de CIA) et les reconstructions complexes. Outre les précisions supplémentaires qu’elle fournit, l’ETO est très utile à l’anesthésiste et à l’intensiviste pour comprendre l’hémodynamique de ces pathologies et pour évaluer la fonction ventriculaire, la volémie ou l’ischémie myocardique [7]; ceci est d’autant plus pertinent que les indices fonctionnels habituels et les pressions de remplissage sont inopérants dans ces situations. Après correction en CEC, elle permet de contrôler immédiatement l’adéquation de l’intervention chirurgicale. 
 
L'impact clinique de l'ETO est variable selon les pathologies. Elle est particulièrement utile en cas d'obstruction de la chambre de chasse droite ou gauche, de réparation valvulaire ou de discordance auriculo-ventriculaire [8]; elle permet de diagnostiquer immédiatement des fuites résiduelles après correction de shunts ou des sténoses après réalisation d'anastomoses ou de conduits. Lors de réimplantation coronarienne, l'ETO est nécessaire à l'évaluation de la fonction pariétale segmentaire des ventricules pour diagnostiquer une éventuelle ischémie. Dans ces cas, il est facile de compléter la correction ou de réparer la lésion résiduelle dans le même temps opératoire, ce qui évite une deuxième intervention (Tableau 15.11). Le fait que ceci survienne dans 8-14% des cas rend l'ETO peropératoire médicalement indispensable et économiquement rentable [5]. 
 
 
Dans toutes les pathologies, l'ETO est également utile pour évaluer et corriger la volémie du patient et la fonction de chaque ventricule [5]. Cet apport est d'autant plus pertinent chez les congénitaux que leur hémodynamique très particulière rend les mesures de pression peu évocatrices du remplissage et de la fonction systolique. De plus, les approximations géométriques utilisées pour calculer la fraction d'éjection s'appliquent mal à ces ventricules remodelés dont les conditions de charge sont très spéciales [3]. Il est judicieux de procéder à des mesures de volume des cavités dans deux plans perpendiculaires pour calculer la fraction d'éjection du VG (règle de Simpson) ou d’utiliser les nouvelles technologies tridimensionnelles pour l'évaluation du VD. 
 
L’impact de l’ETO dans la chirurgie cardiaque congénitale a été analysé en pédiatrie essentiellement, mais tout laisse à penser qu’il est de la même importance dans la chirurgie congénitale adulte. Le taux de découvertes fortuites et de modifications de la stratégie chirurgicale est plus élevé chez les congénitaux que chez les patients présentant des lésions acquises. Avant la CEC, il oscille entre 3% et 13% (moyenne: 7%) [5,7,8]. Un retour en CEC sur la base d’une image ETO insatisfaisante survient dans 5 à 16% des cas (moyenne: 8%); ce taux est le plus élevé lors de pathologies complexes, de valvuloplasties et de lésions des chambres de chasse. 
 
La décision d’un éventuel retour en pompe après une correction jugée insatisfaisante appelle quelques commentaires.
 
  • Les lésions résiduelles non diagnostiquées sont une des causes principales de complications postopératoires, de reprise chirurgicale ultérieure et de faible survie à long terme.
  • Dans 4% des cas, les lésions résiduelles ne peuvent pas être corrigées sans occasionner des dégâts majeurs; elles doivent être tolérées malgré leurs conséquences.
  • L’extrême sensibilité de l’ETO met en évidence beaucoup de lésions sans signification clinique (moyenne: 15% des cas) [5,9,11]; il faut souvent beaucoup d’expérience pour différencier ce qui porte à conséquence à long terme de ce qui est sans importance.
  • Le but de l’opération est d’obtenir un résultat clinique adéquat, non une image échocardiographique parfaite (Treat the patient, not the image!); une deuxième CEC pour corriger un défaut sans conséquence est un mauvais calcul de risque. 
  • La pertinence des découvertes post-CEC est directement liée aux connaissances échocardiographiques de l’examinateur; le taux de reprise pour correction incomplète tombe de 9.6% à 0% et le taux de lésions non-diagnostiquées augmente de 21% à 74% lorsqu’un échocardiographeur aîné est remplacé par un collègue sans expérience [10].  
Le rapport coût/bénéfice de l’ETO de routine est très favorable chez les congénitaux. Il a été calculé en chirurgie cardiaque pédiatrique. En se basant sur un taux de reprise immédiate post-CEC de 5% et sur la complexité des différents cas, l’analyse financière de l’utilisation de l’ETO montre que celle-ci permet de réaliser une économie de 700 à 2’200 € par cas, donc à autofinancer les investissements nécessaires [1,4]. 
 
Impact de l’ETO
L'utilité de l’ETO en salle d’opération et en soins intensifs relève de quatre domaines
    - Evaluation de l’anatomie et de l'hémodynamique complexe des congénitaux
    - Evaluation de la fonction ventriculaire et de la volémie 
    - Examen avant correction (pré-CEC): lésions inattendues dans 7% des cas 
    - Examen après correction (post-CEC): reprise immédiate justifiée dans 8% des cas
 
Les lésions mises en évidence fortuitement sont sans signification thérapeutique dans 15% des cas. L’efficacité de l’ETO chez les congénitaux est directement liée aux connaissances de l’examinateur


© BETTEX D, CHASSOT PG, Janvier 2008, dernière mise à jour Janvier 2018
 
 
Références
 
  1. BENSON MJ, CAHALAN MK. Cost-benefit analysis of transesophageal echocardiography in cardiac surgery. Echocardiography 1995; 12:171-83
  2. BETTEX D, CHASSOT PG. Transesophageal echocardiography in congenital heart disease. In: BISSONNETTE B, edit. Pediatric anesthesia. Basic principles, State of the art, Future. Shelton (CO): People’s Medical Publishing House (USA), 1186-1212
  3. BETTEX DA, HINSELMANN V, HELLERMANN JP, JENNI R, SCHMID ER. Inaccuracy of cardiac output determination by transoesophageal echocardiography. Anaesthesia 2004; 59:1184-92
  4. BETTEX DA, PRETRE R, JENNI R, SCHMID ER. Cost effectiveness of routine intraoperative transesophageal echocardiography in pediatric cardiac surgery: a ten-year experience. Anesth Analg 2005; 100:1271-5
  5. BETTEX DA, SCHMIDLIN D, BERNATH MA, PRETRE R, HURNI M, CHASSOT PG. Intraoperative trasnesophageal echocardiography in pediatric congenital heart surgery: A two-center observational study. Anesth Analg 2003; 97:1275-82
  6. CHASSOT PG, BETTEX D. Perioperative transoesophageal echocardiography in adult congenital heart disease. In: POELAERT J, SKARVAN K. Transoesophageal echocardiography in anaesthesia. London, BMJ Book, 2004 
  7. MILLER-HANCE WC, SILVERMAN NH. Transesophageal echocardiography (TEE) in congenital heart disease with focus on the adult. Cardiol Clinics 2000; 18:861-92
  8. RANDOLPH GR, HAGLER DJ, CONNOLLY HM, et al. Intraoperative transesophageal echocardiography during surgery for congenital heart defects. J Thorac Cardiovasc Surg 2002; 124:1176-82
  9. ROSENFELD HM, GENTLES TL, WERNKOVSKY G, et al. Utility of intraoperative echocardiography in the assessment of residual cardiac defects. Ped Cardiol 1998; 19:346-51
  10. STEVENSON JG. Adherence to physician training gudelines for pediatric transesophageal echocardiography affects the outcome of patients undergoing repair of congenital cardiac defects. J Am Soc Echocardiogr 1999; 12:165-72
  11. UNGERLEIDER RM, KISSLO JA, GREELEY WJ, et al. Intraoperative echocardiography during congenital heart operations: Experience from 1000 cases. Ann Thorac Surg 1995; 60:S539-42