15.2.2 Shunts

Les communications (shunts) peuvent survenir au niveau du septum interauriculaire (CIA), du septum interventriculaire (CIV), ou au niveau de la crux (canal AV). Les shunts peuvent aussi apparaître au niveau des veines centrales (connexions veineuses pulmonaires anormales) ou des grands vaisseaux (canal artériel, fistule aorto-pulmonaire ou coronaire). Un shunt est défini par le rapport entre le débit pulmonaire (Qp) et le débit systémique (Qs). Dans une hémodynamique normale, les deux débits sont égaux: Qp = Qs. Dans un shunt G-D, le rapport Qp/Qs est > 1; lorsqu'il est > 1.5-2, l'indication opératoire est posée car le débit pulmonaire est le double du débit systémique. Dans un shunt D-G, le rapport Qp/Qs est < 1; un rapport 0.5:1 indique que le débit pulmonaire est la moitié du débit systémique. Tout shunt D-G est une indication thérapeutique. Un shunt présente quatre caractéristiques [5].
 
  • La direction du flux. Elle peut être droite→ gauche (D-G), gauche → droite (G-D), ou bidirectionnelle. Un shunt D-G est cyanogène. Le flux d'un shunt est systolo-diastolique, avec deux pics de vélocité; la valeur maximale de cette dernière est habituellement de 1 à 4 m/s [1]. A dimension égale, le débit d'un shunt augmente si la pression d'amont s'élève ou si celle d'aval s'abaisse. En cas de vasodilatation artérielle systémique, le débit d'un shunt G-D (non-cyanogène) s'abaisse, alors que celui d'un shunt D-G (cyanogène) s'élève. Pour diminuer un shunt cyanogène, il faut baisser les résistances pulmonaires et la postcharge droite, ou augmenter les résistances systémiques et la postcharge gauche (voir Figure 15.46) [2].
  • La dimension de l'orifice. S'il est de petite taille, un orifice est dit restrictif; il donne lieu à un fort gradient de pression mais à un petit débit, alors qu'un shunt de grande taille, dit non-restrictif, génère peu ou pas de gradient mais a un grand débit. La direction du shunt dépend de celle du gradient de pression ; elle peut varier au cours du cycle cardiaque. Plus la taille du shunt est grande, c’est-à-dire moins il est restrictif, plus son débit dépend du rapport entre les résistances artérielles pulmonaires (RAP) et systémiques (RAS). En cas d'égalisation des pressions, le shunt devient bidirectionnel. Dans ce cas, la saturation en O2 de l'AP est plus élevée que celle du retour veineux systémique, mais la saturation dans l'aorte est plus basse que celle des veines pulmonaires [4].
  • La dilatation des cavités de réception. Les shunts situés en amont de la jonction auriculo-ventriculaire (CIA, retour veineux pulmonaire anormal) entraînent une dilatation des cavités droites, car le VD doit propulser la surcharge de volume dans l'AP. Lorsque le shunt est situé en aval de la jonction auriculo-ventriculaire (CIV, canal artériel), au contraire, c'est le VG qui est la pompe motrice pour le flux à travers le shunt; ce flux a lieu essentiellement en systole, lorsque la valve pulmonaire est ouverte. Le VD fonctionne alors comme un conduit passif (Figure 15.6). Dans les deux cas, l'artère pulmonaire (AP) est dilatée. Les shunts situés au niveau ventriculaire et artériel dépendent du rapport entre les RAP et les RAS, alors que les shunts situés au niveau auriculaire dépendent davantage de la compliance des ventricules droite et gauche (dysfonction diastolique).
  • Le débit pulmonaire. Celui-ci peut être augmenté (shunt G-D) ou diminué (shunt D-G, sténose pulmonaire). Une augmentation de longue durée du débit pulmonaire peut conduire à une hypertension pulmonaire et à une surcharge de pression du VD, alors que la réduction du débit pulmonaire conduit à la cyanose.
 
   
 
Figure 15.6: Surcharge ventriculaire en cas de shunt G → D. A : Lorsque le shunt est situé en amont des valves auriculo-ventriculaires (CIA, retour veineux pulmonaire anormal), le VD subit une surcharge de volume ; l’OD, le VD et l’AP sont dilatés ; une insuffisance tricuspidienne (IT) est fréquente. B : Lorsque le shunt est situé en aval des valves auriculo-ventriculaires (CIV, canal artériel), c’est le VG qui subit la surcharge de volume, car le volume sanguin dont il assure la propulsion lui revient après un passage transpulmonaire ; l’AP, l’OG et le VG sont dilatés ; le VD ne s’hypertrophie et ne se dilate que lorsque s’installe une hypertension pulmonaire. 
 
La valeur d'un shunt (Qp/Qs) est le rapport entre le débit pulmonaire et le débit systémique. Il peut se calculer à l'échocardiographie ou au cathétérisme par le rapport du débit ou du volume systolique à travers l'artère pulmonaire et à travers l'aorte (ou la chambre de chasse systémique). Un shunt G-D peut  se calculer plus fiablement par l'enrichissement en oxygène de l'artère pulmonaire, c'est-à-dire par le rapport des saturations [3]:
 
Qp / Qs  =   (SaO2  -  SvO2)  /  (SvpO2  -  SapO2)  
 
où:  SaO2: saturation artérielle
       SvO2: saturation veineuse centrale (2 • SvO2 VCI  +  SvO2 VCS) / 3
       SvpO2: saturation des veines pulmonaires
       SapO2: saturation de l'artère pulmonaire
 
or:   SvpO2  ≈  SaO2 (en moyenne 96-98% à l'air ambiant)
 
donc:   Qp / Qs  =   (SaO2  -  SvO2)  /  (SaO2  -  SapO2)   
 
Dans l'exemple suivant, le sang veineux mêlé (SvO2 74%) est enrichi par un shunt G-D jusqu'à une valeur de 90% en artère pulmonaire:        
 
(98%  -  74%)  /  (98%  -  90%)
        Qp / Qs   =   24 / 8   =   3:1
 
Dans ce cas, le rapport entre le flux pulmonaire et le flux systémique est 3:1.  
 
 
Shunts
Un shunt présente 4 caractéristiques:
    - Sa direction (G-D non-cyanogène, D-G cyanogène)
    - Sa taille (restrictif ou non-restrictif)
    - La dilatation des cavités de réception
    - L’augmentation ou la diminution du débit pulmonaire
 
Le shunt est défini par son rapport au débit systémique : Qp / Qs 
 

© BETTEX D, CHASSOT PG, Janvier 2008, dernière mise à jour Janvier 2018
 
 
Références
 
  1. BETTEX D, CHASSOT PG. Transesophageal echocardiography in congenital heart disease. In: BISSONNETTE B, edit. Pediatric anesthesia. Basic principles, State of the art, Future. Shelton (CO): People’s Medical Publishing House (USA), 2011, 1186-1212
  2. CHASSOT PG, BETTEX DA. Anesthesia and adult congenital heart disease. J Cardiothorac Vasc Anesth 2006; 20:414-37
  3. DUPUIS C, KACHANER J, PAYOT M. Cardiologie pédiatrique. Paris: Flammarion, 1991, 137-42
  4. JOFFE DC, SHI MR, WELKER C. Understanding cardiac shunts. Ped Anaesth 2018; 28:316-25
  5. SILVERSIDES CK, DORE A, POIRIER N, et al. Canadian Cardiovascular Society 2009 Consensus Conference on the management of adults with congenital heart disease: Shunt lesions. Can J Cardiol 2010; 26:e70-e79