29.2.2 Aspirine

L’aspirine bloque la cyclo-oxygénase-1 (COX-1) des plaquettes, ce qui inhibe irréversiblement la formation de thromboxane A2 à partir de l’acide arachidonique des membranes. Elle interrompt aussi la synthèse de la prostacycline (PGI2) dans l’endothélium, mais de manière réversible et moins sensible [17]. L’inhibition est totale avec des doses de 50 à 160 mg par jour (dose de charge : 250-500 mg) ; les doses supérieures n’augmentent pas l’effet (sauf en cas de poids corporel élevé), mais accroissent le risque d’hémorragie digestive spontanée [7]. Après interruption de l’aspirine, le temps de saignement et l’agrégabilité plaquettaire sont normalisés en 4-6 jours [13,14,21].
 
Sous forme orale ou intraveineuse, l'aspirine (150-350 mg) est la première étape médicamenteuse dans tout syndrome coronarien aigu [1,7,17]. En prévention secondaire, l’aspirine diminue le risque d’accident cardiovasculaire de 26% en moyenne, pour une augmentation du risque hémorragique annuel de 1.3%/an, en majeure partie des hémorragies digestives [3,4,5,16,18].
 
  • Baisse de récidive après infarctus                              34%
  • Baisse de mortalité après SCA                                    26%
  • Baisse de mortalité et de thrombose après stent    25%
  • Baisse de récidive après ictus                                     22%
Après pontages aorto-coronariens, l'aspirine réduit le risque d'infarctus de 44% [12]. L’aspirine est un traitement à vie qui ne doit plus être interrompu, sous peine d'augmenter le risque d'infarctus et de décès de 50-60% [8]. Mais l'aspirine en prévention secondaire a été validée au cours d'études réalisées dans un contexte thérapeutique très différent de la pratique actuelle, et sa prescription de routine est remise en question en faveur d'une monothérapie avec de nouveaux agents antiplaquettaires; de même, la bithérapie pourrait évoluer vers l'association d'un bloqueur P2Y12 et d'un nouvel anticoagulant oral [10]. En prévention primaire, l’aspirine n’est indiquée que si le risque d’accident cardiovasculaire est 10-20% à 10 ans, comme chez les diabétiques > 50 ans avec facteurs de risque (tabac, HTA, cholestérolémie, albuminurie, anamnèse familiale) ou chez les polyvasculaires, pour autant que le risque de saignement soit faible [2,7]. Elle est contre-indiquée en prévention primaire au-delà de 70 ans, chez les malades sans affection cardiovasculaire, et en cas de risque hémorragique [3,16].
 
Les anti-inflammatoire non-stéroïdiens (AINS) sont des compétiteurs de l’aspirine et en réduisent les effets cardiovasculaires bénéfiques. Les inhibiteurs de la COX-2, qui est nécessaire à la synthèse de la prostacycline (PGI2) dans l’endothélium, modifient l’équilibre entre l’inhibition et l’activation plaquettaires par la PGI2 et la TXA2, respectivement. Cette perte de balance en faveur de la TXA2 double le risque d’infarctus myocardique chez les consommateurs d’anti-COX-2, même lorsque ces malades ne présentent aucun facteur de risque clinique pour une thrombose coronarienne [15]. Sur le long terme, cependant, tous les AINS sont associés à une augmentation dose-dépendante du risque cardiovasculaire : hazard ratio (HR) de 1.9 à 3.7 pour le risque d’infarctus et de 1.5 à 2.3 pour le risque de tachyarrythmies ventriculaires et supraventriculaires [11].
 
 
Antiplaquettaires: aspirine
L'aspirine bloque irréversiblement la COX-1 ; dosage : 50-160 mg/j. En prévention primaire, le risque hémorragique surpasse le bénéfice préventif, sauf lorsque le risque cardiovascuaire est > 10% à 10 ans. En prévention secondaire, baisse du risque cardiovasculaire de 27%, mais augmentation du risque d’hémorragie digestive de 1.2%/an ; traitement à vie sans interruption (prévention secondaire seulement). Taux de non-répondeurs : 6%. Sauf exceptions, pas d’interruption avant la chirurgie ; si l’interruption est indispensable, stop 5 jours.


© CHASSOT PG, DELABAYS A, SPAHN D  Mars 2010, dernière mise à Novembre 2019
 

Références
 
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  3. ARNETT DK, BLUMENTHAL RS, ALBERT MA; et al. 2019 ACC/AHA Guideline on the primary prevention of cardiovascular disease: Executive summary. Ciirculation 2019; 140:e563-e595
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