6.5.3 Indications et contre-indications au CAP

Vu son coût global (environ € 700-1’000.-), son invasivité et son taux de complications (0.1 - 4%), la sonde de Swan-Ganz ne doit être posée que sur une indication formelle. Elle n'est bénéfique que dans des populations particulières de patients chirurgicaux à haut risque. On peut adopter les règles suivantes comme principe de base pour décider des situations dans lesquelles l'indication au cathétérisme pulmonaire est péremptoire [1,3]:
 
  • Aucune autre technique moins invasive ne peut apporter la même information ;
  • Les données spécifiques recueillies ont une incidence significative sur la thérapeutique ;
  • Le risque encouru est moindre que le bénéfice potentiel.
Malgré le manque de précision de la littérature récente, il se dégage de l’expérience clinique un certain consensus sur les situations où le cathétérisme pulmonaire modifie certainement le pronostic (Tableau 6.2).
 
  • Pathologies de la circulation pulmonaire :
    • Insuffisance ventriculaire droite;
    • Hypertension pulmonaire (PAPs > 50 mmHg);
    • Maladie pulmonaire majeure : BPCO, asthme, etc;
    • Ventilation mécanique à PEEP élevée (SDRA), sevrage de l'IPPV;
    • Perméabilité capillaire pulmonaire altérée : SDRA, choc toxique.
  • Surcharge de la circulation pulmonaire :
    • Stase gauche : insuffisance et/ou dilatation ventriculaire gauche (FE < 0.35), pathologie mitrale;
    • Hypervolémie : insuffisance rénale terminale, surcharge liquidienne.
  • Nécessité de mesurer le débit cardiaque et la SvO2 :
    • Situations susceptibles de devenir hémodynamiquement très instables (chirurgie de l'aorte thoracique, cœur battant) ou engendrant de grandes modifications hémodynamiques chez des malades à risque élevé;
    • Choc septique, vasoplégie, grand brûlé, polytraumatisé, assistance ventriculaire;
    • Mesure du débit cardiaque en cas de RAS très anormales (vasoplégie ou vasoconstriction intense).

L’indication optimale pour un patient donné tient aux interactions entre cinq facteurs [4] :
 
  • La sélection de patients présentant une dysfonction organique sévère ;
  • La gravité de l’opération et les perturbations hémodynamiques qu’elle occasionne ;
  • Les conditions hospitalières de soins, les connaissances et les performances du personnel ;
  • Les algorithmes de prise en charge thérapeutique;
  • Le retrait dès que le dispositif n'est plus impératif.
Il est certain que la seule mesure d'une pression pulmonaire bloquée n'est pas une justification suffisante à l'installation d'une sonde de Swan-Ganz. Elle ne prend son sens que si l’on en utilise toutes les prestations : mesure du volume systolique, du débit cardiaque, des résistances vasculaires, du travail ventriculaire, du transport d’O2 et de la SvO2. Vu la diminution de des indications, certains centres ne placent plus que des cathéters pulmonaires à mesure continue de la SvO2 (Vigilance™). En cours d'intervention, toutefois, les variations de température corporelle modifient l'interprétation des données de la SvO2. Dans les valvulopathies, la Swan-Ganz est recommandée lors de dilatation ventriculaire, d'asymétrie ventriculaire fonctionnelle droite et gauche, et d'hypertension pulmonaire. La sténose mitrale, l'insuffisance mitrale et l'insuffisance aortique sévère remplissent ces conditions. Si la fonction et les dimensions du VG sont conservées, la sténose aortique et l'insuffisance mitrale sur prolapsus chez le jeune patient ne sont pas considérées comme des indications au cathéter pulmonaire. 
 
L’intérêt majeur d’un cathéter pulmonaire tient dans la possibilité d’intervenir plus tôt lorsque se manifestent des dérives hémodynamiques, et d’apporter des corrections rapides avant la dégradation clinique globale. Cela veut dire qu’il n’est pleinement utile que s’il est mis en place avant que ne surviennent les perturbations. En dernier ressort, le jugement clinique de l'anesthésiste reste l'élément clef pour décider de son indication.  
 
C’est dans ce contexte que doit se résoudre la question du rapport coût / bénéfice du cathétérisme pulmonaire. Il repose sur une utilisation ciblée en fonction des pathologies et des interventions, sur une instrumentation prudente et soigneuse, sur une utilisation de toutes les ressources de la méthode (débit cardiaque, SvO2) et sur la recherche de réponse à des questions précises. Enfin, les indications de la Swan-Ganz varient en fonction des alternatives à disposition : le simple cathéter auriculaire droit avec mesure de la PVC et de la SvcO2, l’échocardiographie transoesophagienne (ETO), le Doppler oesophagien (DOe), l'analyse de la courbe artérielle périphérique (PiCCO) ou les systèmes non-invasifs (FlowTrack/Vigileo). Actuellement, les indications ont baissé de 50% par rapport à celles des années quatre-vingt-dix [2,5]. 
 
Contre-indications
 
La première contre-indication est l’absence d’indication ! Pour le reste, il existe certaines situations dans lesquelles sa mise en place est grevée d’incidents [4].
 
  • Sténose ou prothèse sur la valve tricupide ou la valve pulmonaire: passage impossible;
  • Communication droite-gauche (CIA) : risque de passage dans le cœur gauche;
  • Cardiopathies congénitales: anatomie inappropriée;
  • Masse dans l'OD ou le VD: risque d'embolisation;
  • Arythmies ventriculaires sévères : risque d'induire une crise maligne;
  • BBG : risque d'induire un BBD, donc un bloc complet;
  • Sonde de pace-maker mise en place moins de 6 semaines auparavant : risque de déplacement de la sonde;
  • Anticoagulation ou coagulopathie : risque hémorragique au site de ponction;
  • Connaissance insuffisante de la technique.

 
Indications au cathéter artériel pulmonaire
Pathologies de la circulation pulmonaire
    - Hypertension pulmonaire (PAPs > 50 mmHg)
    - Insuffisance ventriculaire droite
    - Maladie pulmonaire majeure, ventilation à PEEP élevée
    - Altération de la perméabilité capillaire pulmonaire (SDRA, SIRS)
Surcharge de la circulation pulmonaire
    - Insuffisance ventriculaire gauche (stase gauche)
    - Valvulopathie mitrale
    - Hypervolémie (insuffisance rénale, etc)
Nécessité de mesurer le volume systolique et la SvO2
    - Opérations entraînant de fortes variations hémodynamiques chez des malades à haut risque
    - Situations susceptibles de devenir hémodynamiquement très instables
    - Choc septique, vasoplégie, assistance ventriculaire
    - Mesure du débit cardiaque en cas de RAS anormales (vasoplégie, vasoconstriction intense)
 
Etendre à tous les cas un monitorage qui n’est pertinent que pour des indications précises est contre-productif.


© CHASSOT PG  Août 2010, dernière mise à jour Août 2017
 
 
Références
 
  1. COLOMBO JA, TUMAN KJ. The role of pulmonary artery catheterization in the management of cardiothoracic surgical patients. Seminars Cardiothor Vasc Anesth 1998; 2:46-51
  2. RICHARD C, MONNET X, TEBOUL JL. Pulmonary artery catheter monitoring in 2011. Curr Opin Crit Care 2011; 17:296-302 
  3. VINCENT JL. Le culte du cathéter de Swan-Ganz. in: DHAINAUT JF. Hémodynamique, concepts et pratique en réanimation. Masson, 1991, pp 123-134
  4. VINCENT JL, DHAINAUT JF, PERRET C, SUTER P. Is the pulmonary artery catheter misused ? An European view. Crit Care Med 1998; 26:1283-7
  5. WHITENER S, KONOSKE R, MARK JB. Pulmonary artery catheter. Best Practice Res Clin Anaesthesiol 2014; 28:323-35