21.6.3 Asthme

On définit sous ce terme un état d'hyperréactivité bronchique caractérisé par une réponse bronchoconstrictrice massive à divers stimuli (allergènes, polluants, exercice, infection, stress, etc) qui touche 3-6% de la population [7]. La réponse se développe en deux temps [5].
 
  • Bronchoconstriction aiguë rapide, induite par la libération de médiateurs par les mastocytes et/ou par réflexe autonome; contrairement au BPCO, la baisse du VEMS est largement réversible sous bronchodilatateur;
  • Réponse tardive: survient 3-6 heures après le stimulus, caractérisée par un bronchospasme et une inflammation muqueuse massive; chez les asthmatique graves, ces deux phases sont confondues et permanentes.
En anesthésie générale, la survenue d'un bronchospasme (Pinsp élevée, phase expiratoire prolongée, sibilances, désaturation artérielle) doit immédiatement déclencher un diagnostic différentiel et des mesures thérapeutiques appropriées.
 
  • Intubation endobronchique: correction de la position du tube;
  • Obstruction mécanique (coudure du tube, sécrétions): aspiration;
  • Pneumothorax: drainage;
  • Douleur, réveil: approfondissement de l'anesthésie (fentanyl, halogéné, propofol);
  • Contractions musculaires désynchronisées: curarisation.
Une fibroscopie à travers le tube peut être indiquée pour contrôler la position endotrachéale ou la présence d'une obstruction.
 
Traitement du bronchospasme
 
Le traitement habituel de la crise bronchospastique consiste en une série de mesures [3,5].
 
  • β2-stimulant: salbutamol (Ventolin®) en nébulisation (3 fois) ou en perfusion (5-20 mcg/min), terbutaline (Bricanyl®) i.v. et/ou s-cut. (0.5 mg en 5 min); la durée d'action est de 4-6 heures; les effets sympathicomimétiques cardiaques ne sont pas négligeables (augmentation de la mVO2).
  • Anticholinergique: ipratropium (Atrovent®) en nébulisation, 0.5 mg dans 3 mL toutes les 6 heures.
  • Stéroïdes: en spray (béclométazone, triamcinolone, budésonide) ou i.v. (méthylprednisolone, 250 mg); de nombreux auteurs les considèrent comme la première mesure d'urgence dans l'exacerbation d'un asthme chronique [1].
  • Méthylxanthines: aminophylline, 5 mg/kg  en 15 minutes, puis 0.5 mg/kg/h en perfusion) est en deuxième ligne; la marge thérapeutique est étroite; la clearance dépend du flux hépatique, abaissé en anesthésie; la tachycardie et les arythmies peuvent être importantes.
  • Adrénaline et/ou isoprénaline en perfusion ou en aérosols.
  • Agents d'anesthésie: halogéné, fentanyl à haute dose.
  • Anticholinergiques iv: atropine, glycopyrrolate; effet adjuvant par blocage des récepteurs parasympathiques M1 et M3; effet délétère sur les sécrétions.
Anesthésie de l'asthmatique
 
Les risques que les médiateurs libérés lors de la CEC déclenchent une crise bronchospastique sévèrissime au moment de la reventilation sont très élevés. Il faut donc prendre toutes les précautions possibles et envisager un traitement médical agressif. Lorsque la pathologie cardiaque contribue à la maladie asthmatique par la stase capillaire (maladie mitrale, par exemple), l'opération peut conduire à une amélioration de la symptomatologie respiratoire. Celle-ci n'est cependant pas immédiate.
 
Le traitement préopératoire doit être maximalisé et continué jusqu'à l'intervention. Le patient ne peut subir une intervention élective que lorsqu'il est au mieux de sa forme. Les β2-stimulants, les stéroïdes et les anti-inflammatoires doivent être administrés à la prémédication. La résorption systémique des stéroïdes inhalés est en général trop faible pour induire une suppression cortico-surrénalienne; par contre, les patients sous stéroïdes per os doivent être substitués par de l'hydrocortisone (Solucortef®, 4 x 100 mg par 24 heures). Il est prudent de disposer d'un dosage sérique de théophylline en cas d'administration chronique. L'augmentation de viscosité des sécrétions bronchiques et les risques accentués de bouchons muqueux que causent les anticholinergiques sont des désavantages supérieurs au faible gain sur la bronchodilatation qu'ils procurent. Il est plus prudent de s'en passer dans la prémédication. Celle-ci consistera en une dose fortement sédative de benzodiazépine, sans opiacé [4].
 
Le bloc sympathique de l'anesthésie péridurale haute laisse la stimulation para-sympathique sans contre-poids et peut prédisposer au bronchospasme [6]. Selon l'étendue du bloc, l'affaiblissement de la fonction musculaire thoracique compromet la capacité ventilatoire et la possibilité d'expectorer. L'induction, précédée d'un spray de Ventolin®, se déroule dans le calme, sous hautes doses de fentanyl. L'étomidate est le seul hypno-inducteur qui ne provoque pas de bronchospasme et ne libère pas d’histamine. Lorsque le sommeil est suffisamment profond, on procède à une anesthésie topique de la trachée par un spray de lidocaïne 4% (Laryngojet™). Le curare de préférence est le vécuronium, le moins libérateur d'histamine. Le sommeil est maintenu par l'isoflurane (1-2 MAC) [2]. Une dose de stéroides est administrée avant la CEC: SoluMédrol®, 500-1000 mg i.v. Si l'on utilise de l'aminophylline, il est prudent de renoncer aux perfusions continues, vu la baisse du débit sanguin hépatique en anesthésie et en CEC (clearance fortement diminuée). L'administration de cristalloïdes doit être suffisante pour maintenir une hydratation adéquate de la muqueuse et diminuer la viscosité des sécrétions.
 
La ventilation doit être adaptée aux circonstances:
 
  • Flux inspiratoire bas;
  • Pression de crête la moins élevée possible;
  • Fréquence basse (6-8/min) pour permettre un temps expiratoire suffisant et une limitation de l’air-trapping;
  • Humidification et réchauffement des gaz inspirés.
Le moment critique est la sortie de CEC. Il est essentiel de reventiler le patient dès le réchauffement, pendant que les échanges gazeux peuvent encore être assurés par la machine coeur-poumon, parce que la reprise de la ventilation peut être excessivement difficile. Un spray de Ventolin® dans le tube est une bonne prophylaxie, mais la bronchoconstriction peut être très réfractaire aux thérapeutiques et obliger à prolonger la CEC jusqu'à ce que la ventilation devienne efficace. L'administration de protamine doit être très lente; parfois, il faut y renoncer et la remplacer par du PFC et des plaquettes. Si le Ventolin® reste sans effet, on passera à une perfusion d'isoprénaline ou d'adrénaline; cette denière peut également s'administrer en spray dans le tube (par doses allant jusqu'à 5 mg).
 
 
Asthme bronchique
Traitement : β2-stimulant, méthylxanthine, stéroïde ; + adrénaline ou isoprénaline en cas de crise
Risque de bronchospasme sévère en sortant de CEC (reventilation précoce) et à l’administration de protamine


© CHASSOT PG, Septembre 2007, dernière mise à jour, Décembre 2018
 

Références
 
  1. BARNES PJ. Antiinflammatory therapy for asthma. Ann Rev Med 1993; 44:229-42
  2. BROWN RH, ZERHOUNI EA, HIRSCHMAN CA. Comparison of low concentrations of halothane and isoflurane as bronchodilators. Anesthesiology 1993; 78:1097-101
  3. CELLI BR. Update on the management of COPD. Chest 2008; 133:1451-62
  4. HIRSCHMAN CA. Perioperative management of the asthmatic patient. Can J Anesth 1991;  38:R26-R32
  5. PETERFREUND RA. Pathophysiology and treatment of asthma. Curr Opin Anaesthesiol 1994; 7:284-92
  6. WANG CY, ONG GSY. Severe bronchospasm during epidural anaesthesia. Anaesthesia 1993; 48:514-5
  7. WEISS KB, GERGEN PJ, HODGSON TA. An economic evaluation of asthma in the United States. N Engl J Med 1992; 314:423-6