17.1.3 Receveur

Critères et indications
 
Les critères prioritaires que le patient doit remplir pour figurer sur une liste de transplantation cardiaque sont mentionnés dans le Tableau 17.2. Les contre-indications, qui ne sont pas déterminantes lorsqu’elles sont isolées, figurent dans le Tableau 17.3 (voir Introduction) [5,7,8,11,13]. Actuellement, la moitié des transplantés est âgée de 50 à 65 ans, qui est considéré comme l’âge limite ; toutefois de nombreux centres ont procédé à des greffes chez des malades de 70 ans et plus avec de bons résultats, notamment parce que la sénescence diminue aussi l’immunoréactivité [4]. L’hypertension pulmonaire (RAP > 5 U Wood) augmente la mortalité de manière linéaire particulièrement pendant la première année. Tant qu’ils ne souffrent pas de néphropathie, les diabétiques ont des résultats comparables aux autres transplantés, bien que leur taux de complications soit supérieur. Les porteurs de HIV supportent l’immunosuppression sans accroissement du taux d’infections ; la séroconversion sous trithérapie assure une survie suffisamment bonne pour justifier une greffe en cas de cardiomyopathie irréversible [3].

 

 
Ces patients présentent un tableau d'insuffisance cardiaque terminale (NYHA IV) sur cardiomyopathie. Il s'agit le plus souvent de cardiomyopathie congestive et dilatative (> 50% des cas) ou de maladie ischémique avec dysfonction ventriculaire globale (35 % des cas); on trouve moins fréquemment des cardiopathies congénitales (3%, en augmentation) ou des valvulopathies décompensées (3%), parce que les pressions pulmonaires sont souvent trop élevées dans ces circonstances [6]. L’anatomie bouleversée des congénitaux pose des problèmes chirurgicaux majeurs, qui conduisent à un risque hémorragique élevé, mais chez ceux qui survivent à la période postopératoire, les résultats à long terme sont excellents. Plus rarement, il s’agit de cardiomyopathies secondaires à des agents infectieux (maladie de Chagas), inflammatoires (myocardite virale), toxiques (alcool, cobalt, antimitotiques) ou métaboliques (myxoedème, thyrotoxicose, urémie). Alors que la cardiomyopathie restrictive idiopathique est une bonne indication à la greffe, les cardiomyopathies restrictives dues à un processus infiltratif (amyloïdose, sarcoïdose, hémochromatose) sont en général exclues parce que la maladie systémique continue à évoluer chez le receveur et peut même reprendre dans le greffon [2]; la greffe simultanée d’un cœur et de cellules-souche accompagnée d’une chimiothérapie peut enrayer le phénomène [12]. 
 
Hémodynamique
 
Le profil hémodynamique habituel du receveur est celui d’un malade très fragile, en défaillance ventriculaire systolique et diastolique. Son débit est peu dépendant de la précharge, très sensible à la postcharge, et excessivement réactif au moindre effet cardiodépresseur (Vidéo).
 
  • Pression artérielle systémique basse : PAmoy 60-70 mm Hg;
  • Tachycardie: 80-110 batt/min;
  • Pression artérielle pulmonaire modérément élevée: jusqu'à 60 / 30 mmHg;
  • Pressions de remplissage élevées : Ptd VG environ 25 mmHg;
  • Volumes télédiastolique et télésystolique très augmentés (sauf dans la cardiomyopathie restrictive);
  • Volume systolique fixe et très abaissé;
  • Fraction d'éjection catastrophique : < 0.2 (sauf dans la cardiomyopathie restrictive);
  • Index cardiaque bas : < 1.5 L/min/m2 , VO2 max < 12 mL/kg/min;
  • Activité autonome sympathique élevée: vasoconstriction systémique, veinoconstriction, rétention d’eau et de sodium;
  • Diminution du nombre et de l’expression des récepteurs  β1 et α 2 myocardiques due à l’élévation chronique du taux de catécholamines endogènes;
  • Actuellement dans les pays industrialisés, environ 40% des receveurs sont sous une forme d'assistance circulatoire au moment de leur greffe [5]. 

Vidéo: Défaillance biventriculaire; le VG est dilaté, arrondi et sévèrement hypocontractile; présence d'une insuffisance mitrale de type restrictif. Le VD est dilaté, sa paroi libre se contracte insuffisamment. L'apex du coeur est constitué par le VD.

L'anesthésiste doit donc être particulièrement vigilant sur plusieurs points (pour davantage de détails sur la prise en charge de l'insuffisant cardiaque, voir Chapitre 12 Anesthésie en cas d'insuffisance ventriculaire et Anesthésie en cas d'assistance ventriculaire) [1,9,10,11].
 
  • Maintenir une postcharge basse;
  • Maintenir une précharge normale; la ventilation en pression positive est en général bien tolérée parce que la surpression endothoracique baisse la postcharge gauche; de plus, le retour au VG est amélioré et le VD est décongestionné;
  • Maintenir la fréquence cardiaque de base, qui est souvent élevée afin de maintenir le débit cardiaque dans le cadre de la dysfonction ventriculaire;
  • Maintenir la contractilité (ou l'augmenter) et éviter toute substance cardiodépressive; les ventricules sont distendus et se situent à l'extrémité de la courbe de Starling, là où l'augmentation de la précharge n'améliore plus la contractilité et où l’éjection ventriculaire varie inversement à la postcharge;
  • Maintenir le tonus sympathique normalement très élevé; le nombre de récepteurs β1 myocardiques est abaissé et la réactivité aux catécholamines est anormale; la réponse aux stimulateurs indirects (éphédrine, dopamine) est très altérée;
  • Lors de la greffe, utiliser des substances qui maintiennent une perfusion systémique adéquate et un débit cardiaque satisfaisant, même si elles présentent un risque accru de souffrance myocardique par augmentation passagère de la consommation d'O2; le coeur, condamné, ne doit battre plus qu'une heure ou deux. La priorité est aux autres organes-cibles (reins, foie, cerveau).
Le risque majeur est celui d'une défaillance aiguë accompagnée d’une dilatation cardiaque soudaine qui effondre l’hémodynamique de manière abrupte. Les arythmies malignes peuvent également compromettre la survie immédiate du patient. Un départ en pompe précipité peut devenir la seule solution; dans ce cas, la CEC sert d'assistance jusqu'à l'arrivée du greffon. L'explantation du cœur du receveur n'a lieu que lorsque le cœur du donneur a été contrôlé par l'opérateur de la transplantation.
     
 
Receveur de greffe cardiaque
Critères d’indication à la transplantation cardiaque
    - Choc cardiogène réfractaire sous inotropes ou assistance ventriculaire
    - Défaillance ventriculaire réfractaire au traitement médical maximal + resynchronisation
    - Angor persistant mais revascularisation impossible
    - Arythmies malignes résistant à tout traitement
    - Cardiopathie congénitale au stade terminal sans hypertension pulmonaire
 
Contre-indications absolues :
    - Hypertension pulmonaire fixe (PAP > 60 mmHg, RAP > 5 U Wood), non-réactive au NO
    - Maladie systémique avec pronostic vital de < 2 ans (néoplasie, HIV avec infections, BPCO sévère, insuffisance hépatique ou rénale irréversible,
      maladie systémique)
 
Contre-indications temporaires ou relatives (susceptibles d’être améliorées) :
    - Age > 70 ans
    - Diabète, obésité, cachexie
    - Maladies neurologique, pulmonaire, hépatique ou rénale irréversibles
    - Infection en cours, maladie ulcéreuse active
    - Instabilité psycho-sociale ou addiction empêchant de suivre un traitement continu
    - Sensibilisation étendue aux antigènes HL-A (> 20% du panel)


©  BETTEX D, CHASSOT PG, Janvier 2008, Dernière mise à jour, Avril 2018
 

Références
 
  1. CAMMAN WR, HENSLEY FA Jr. Anesthetic Management for Cardiac Transplantation. In: HENSLEY FA, MARTIN DE. The practical approach to Cardiac Anesthesia. 3d edition. Little, Brown & Co, 2003, pp 425-447
  2. CONNER R, HOSENPUD J, NORMAN D, et al. Recurrence of amyloidosis in a cardiac allograft. J Heart Transplant 1986; 5:385-90
  3. GUPTA S, MARKHAM DW, MAMMEN PP, et al. Long-term follow-up of a heart transplant recipient with documented seroconversion to HIV-positive status 1 year after transplant. Am J Transplant 2008; 8:893-6
  4. HUNT SA, HADDAD F. The changing face of heart transplantation. J Am Coll Cardiol 2008; 52:587-98
  5. LUND LH, EDWARDS LB, DIPCHAND AI, et al. The Registry of the International Society for Heart and Lung Transplantation: thirty-third official adult transplant report – 2016: focus theme: primary diagnostic indications for transplant. J Heart Lung Transplant 2016; 35:1158-69
  6. MANCINI D, LIETZ K. Selection of cardiac transplanation candidates in 2010. Circulation 2010; 122:173-83
  7. McMURRAY JJ, ADAMOPOULOS S, ANKER SD, et al. ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure 2012: the task force for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure 2012 of the European Society of Cardiology. Eur J Heart Fail 2012; 14:803-69
  8. PONIKOWSKI P, VOORS AA, ANKER SD, et al. 2016 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure. Eur Heart J 2016; 37:2129-200
  9. RAMAKRISHNA H, JAROSZEWSKI DE, ARABIA FA. Adult cardiac transplantation: a review of perioperative management. Part-1. Ann Card Anaesth 2009; 12:71-8
  10. SHANEWISE J. Cardiac transplantation. Anesthesiology Clin N Am 2004; 22:753-65
  11. SUMLER M, VADLAMUDI R. Preanesthetic evaluation of the patient with end-stage heart failure. Best Pract Res Clin Anesthesiol 2017; 31:179-88
  12. TAYLOR DO, STEHLICK J, EDWARDS LB, et al. Registry of the International Society for Heart and Lung Transplantation: twenty-sixth Official Adult Heart Transplant Report-2009. J Heart Lung Transplant 2009; 28:1007-22
  13. YAROL N, TOZZI P, Von SEGESSER L, et al. Sélection et suivi prétransplantation des patients candidats à la greffe cardiaque en Suisse Romande. Rev Méd Suisse 2011; 7: 1212-6