7.3.6 Embolies gazeuses

Des bulles formées en cours de CEC peuvent emboliser dans l'organisme et être responsables d'ischémie myocardique, de troubles neurologiques ou de dysfonctions organiques. Selon leur taille et leur origine, on en distuingue deux types [1,3].
 
  • Miliaire de microbulles, minuscules et peu contrastées; dues à la cavitation ou aux variations thermiques, elles sont sans incidence sur le status neurologique postopératoire.
  • Petites navettes brillantes qui dansent dans les chambres cardiaques et s’accumulent en larges nappes dans les endroits en surplomb. Elles proviennent de l’aspiration d’air dans le circuit ou de l’ouverture des cavités cardiaques; leur embolisation dans les coronaires ou le cerveau modifie le fonctionnement de l’organe. 
Leur identification et leur localisation à l'ETO permettent une vidange plus adéquate, et, de ce fait, peuvent améliorer le pronostic neurologique des patients. Plusieurs phénomènes concourent à la création de ces bulles [2]. 
 
  • La solubilité des gaz dans un liquide augmente lorsque la température baisse ou lorsque la pression s'élève. Des microbulles peuvent donc se former dès que le sang se réchauffe localement, ou dès que la pression baisse par cavitation (aspiration contre resistance par la pompe ou vortex dans des tourbillons). Ces bulles embolisent facilement, car les détecteurs de bulles placés sur le circuit artériel ne perçoivent pas des éléments de moins de 0.5 mL. 
  • Lors d'ouverture des cavités gauches (chirurgie de la valve mitrale, par exemple), l'air doit être purgé avant de refermer les chambres cardiaques; cette purge n'est jamais complète, et des poches d'air s'accumulent dans les endroits en surplomb (voir Figure 7.44). Cet air va emboliser sous forme de petites bulles (Vidéo Air). Si le patient a des mouvements respiratoires alors que l'OG ou le VG sont ouverts, l'air est entraîné dans les veines pulmonaires, où il est inaccessible. Baigner le champ opératoire de gaz carbonique en diffusant 1-2 L/min de CO2 par une petite buse permet de remplacer l’air par un gaz mieux soluble dans le sang, donc moins emboligène.
  • Si le drainage veineux est assisté par une pompe, celle-ci peut faire collaber le circuit et entraîner de l'air lorsque le flux est rétabli. 
  • L'air peut provenir de la canule de cardioplégie si celle-ci n'est pas fermée adéquatement.
  • Deux situations peuvent entraîner une embolisation massive et un effondrement hémodynamique :
    • Une inversion des circuits artériel et veineux au début de CEC vide soudainement l'aorte de son sang; elle se remplit d'air lorsque le système est stoppé.
    • L'entraînement d'air est possible si le réservoir veineux se vide brusquement et que la pompe à galet aspire de l'air; ceci est en principe prévenu par l'asservissement de cette dernière au contrôle du niveau de sang dans le réservoir. 
 
Le passage d'air est étroitement surveillé sur la ligne artérielle. Le filtre comporte une trappe à bulle sous forme d'une purge continue (100-200 mL/min) qui aspire le sang au sommet du filtre et le renvoie dans le réservoir veineux (voir Figure 7.10). La présence d'air dans la canule artérielle est un évènement catastrophique qui commande des mesures immédiates: arrêt de la pompe, position de Trendelenburg forcée pour diminuer les risque de progression de l'air dans les carotides, débullage de l'aorte, perfusion cérébrale rétrograde (1-2 L/min) hypothermique (20-24°) par la veine cave supérieure pour perfuser le cerveau a retro et vidanger l'air qui s'est infiltré du côté artériel, reprise de la CEC après vidange complète de l'air, protection cérébrale par du mannitol et de la méthylprednisolone (voir Que faire en cas de problème aigu ?).
 
 
 
 Embolies gazeuses
Les embolies gazeuses artérielles ont de nombreuses origines en CEC:
    - Ouverture des cavités gauches (prévention: CO2 dans le champ opératoire)
    - Solubilité des gaz diminuée: réchauffement, baisse de pression (cavitation)
    - Aspiration d’air par le circuit veineux, le réservoir ou la ligne de cardioplégie


© CHASSOT PG, GRONCHI F, Avril 2008, dernière mise à jour, Avril 2018
 
 
Références
 
  1. BLAUTH CI. Macroemboli and microemboli during cardiopulmonary bypass. Ann Thorac Surg 1995; 59:1300-3
  2. DAVIS RF, THOMPSON J. Technology, pathophysiology and pharmacology of cardiopulmonary bypass. In: THYS DM, et al Eds. Textbook of cardiothoracic anesthesiology. New York, McGraw-Hill Co, 2001,354-75 
  3. HOGUE CW, PALIN CA, ARROWSMITH JE. Cardiopulmonary bypass management and neurologic outcomes: an evidence-based appraisal of current practices. Anesth Analg 2006; 103:21-37