14.6.7 Anomalies des valves auriculo-ventriculaires

Valve tricuspide

L'insuffisance tricuspidienne (IT) est en général due à une dilatation de l'anneau tricuspidien secondaire à une surcharge de volume et à un agrandissement du VD. Elle est fréquemment le facteur déclenchant de la défaillance ventriculaire droite car elle institue un cercle vicieux entre la régurgitation et la dilatation qui s'accroissent mutuellement. L'interruption de ce processus justifie la plastie chirurgicale lorsque l'IT est modérée-à-sévère. Plus rarement, l'IT est causée par une dysplasie et un prolapsus congénital de la valve. Dans l'anomalie d'Ebstein, elle peut être massive.
 
Valve mitrale
 
La valve mitrale peut présenter une vaste pathologie chez l’enfant comme chez l’adulte. Les anomalies congénitales les plus fréquentes sont le prolapsus et la fente isolée, qui engendrent des régurgitations, et la valve en double canon (2 orifices) ou en parachute (2 feuillets et un seul pilier), qui peut être sténotique ou insuffisante. La valve en parachute fait en général partie du syndrome de Shone, qui associe 4 lésions sténosantes gauches: valve mitrale en parachute (restriction fonctionnelle), anneau supravalvulaire mitral, sténose sous-aortique et coarctation de l’aorte (voir Anomalies de la voie éjectionnelle gauche). L’indication opératoire est posée en fonction du retentissement sur le VG (dilatation, insuffisance), de l’élévation de la pression pulmonaire (HTP postcapillaire), des arythmies et de la clinique (dyspnée) [1]. Dans les sténoses, l'indicatioon est un gradient moyen > 12 mmHg. Les vasodilatateurs pulmonaires (NO, prostaglandines, etc) sont contre-indiqués dans cette HTP postcapillaire, car l'augmentation du flux pulmonaire accroît la stase et le risque d'OAP. Chez l’enfant, on cherche évidemment à pratiquer des plasties chirurgicales plutôt que des remplacements par une prothèse mécanique, car ces dernières sont de taille trop grande pour les petits enfants; d’autre part, elles contraignent à une anticoagulation permanente et à un changement de prothèse en cours de croissance [2].
 
Une malformation peu fréquente peut se manifester par la symptomatologie d’une sténose mitrale: c’est la septation médiane de l’OG, appelée cor triatriatum. Une membrane transverse percée d’un orifice plus ou moins important divise l’oreillette gauche en deux cavités distinctes. Les veines pulmonaires s’abouchent en amont de la membrane dans une chambre postérieure; l’appendice auriculaire s’ouvre dans une chambre antérieure qui débouche sur la valve mitrale (Figure 14.42). 
 

Figure 14.42 : Cor triatriatum. Une membrane (flèche) sépare l’OG en deux cavités, l’une postérieure (OGP) qui reçoit les veines pulmonaires, et l’autre antérieure (OGA) connectée à l’appendice auriculaire et à la valve mitrale. L’implantation de cette membrane est au niveau de la membrane de la fosse ovale sur le septum et au niveau de la crête située entre la veine pulmonaire supérieure gauche et l’appendice auriculaire gauche. 
 
La symptomatologie est fonction de la taille de l’orifice situé dans la membrane. L’intervention consiste à réséquer la membrane en CEC. La prise en charge est celle d’une sténose mitrale.

Quelle que soit son étiologie, la sténose mitrale implique certaines contraintes anesthésiques (voir Chapitre 11, Sténose mitrale).
 
  • Précharge normale;
  • Vasoconstriction systémique;
  • Fréquence cardiaque lente;
  • Ventilation en pression positive bien tolérée;
  • Stimulation inotrope sans effet alpha (la dysfonction du VG est masquée par la postcharge basse de la régurgitation systolique dans l'OG);
  • Hémodynamique recherchée: normovolémique – lent – fermé.
L'anesthésie de l'enfant souffrant d'insuffisance mitrale (IM) est dirigée par les mêmes principes que celle de l'adulte (voir Chapitre 11 Insuffisance mitrale).
 
  • Précharge normale;
  • Vasodilatation systémique (l'IM ↓ si les RAS ↓);
  • Fréquence normale ou modérément élevée;
  • Ventilation en pression positive bien tolérée;
  • Stimulation inotrope sans effet alpha (la dysfonction du VG est masquée par la postcharge basse de la régurgitation systolique dans l'OG);
  • Hémodynamique recherchée: normovolémique – tonique – ouvert.
Après plastie ou remplacement de la valve mitrale en CEC, la situation est différente selon que l'affection de base était une sténose ou une insuffisance.
 
  • Sténose: gradient résiduel < 5 mmHg. Le VG est petit à cause de la restriction chronique à son remplissage; après la CEC, il est dans une situation congestive car le remplissage est normal mais son Vtd reste faible. La tachycardie lui permet d'augmenter son débit en fractionnant le volume systolique; un soutien inotrope est utile.
  • Insuffisance: alors qu'il bénéficiait d'une postcharge basse par l'IM, le VG doit éjecter contre l'impédance systémique après la CEC, ce qui représente une élévation de sa postcharge. Un soutien inotrope sans vasoconstriction est requis (dobutamine, milrinone). 
  • Hypertension pulmonaire: la composante postcapillaire de l'HTP est normalisée mais non la composante précapillaire; une baisse des RAP peut être nécessaire (NO, prostaglandine, milrinone).
  • Ischémie latérale (ETO): une lésion de la circonflexe est possible car son trajet jouxte l'anneau mitral postérieur.
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Pathologies mitrales congénitales
Maladie mitrale sur orifice en double canon ou en parachute. Prise en charge :
    - Prédominance d’insuffisance : normovolémie, RAS basses, soutien inotrope (normovolémique - tonique - ouvert)
    - Prédominance de sténose : normovolémie, FC lente, RAS élevées, RAP basses (normovolémique - lent - fermé)
 
Cor triatriatum : membrane transverse à travers l’OG avec un orifice de taille variable, mimant une sténose mitrale. Prise en charge : patient normovolémique, fréquence cardiaque lente, vasoconstriction systémique.
 
 
© BETTEX D, BOEGLI Y, CHASSOT PG, Juin 2008, dernière mise à jour Mai 2018
 

Références
 
  1. SCHAVERIEN MV, FREEDOM RM, McCRINDLE BW. Independent factors associated with outcomes of parachute mitral valve in 84 patients. Circulation 2004; 103:2309-13
  2. STELLIN G, PADALINO MA; VIDA VL, et al. Surgical repair of congenital mitral valve malformation in infancy and childhood: a single-center 36-year experience. J Thorac Cardiovasc Surg 2010; 140:1238-44