20.5.6 Intervention chirurgicale chez un porteur de défibrillateur

Comme pour un pace-maker, la recherche des précisions concernant le type de l’appareil, son âge et son mode de fonctionnement est essentielle en préopératoire ; il faut connaître le nombre de chocs administrés dans les derniers mois, s’assurer d’un contrôle cardiologique dans les 6 mois précédents, disposer d’un ECG récent et avoir une radiographie du thorax (Figure 20.28). 
 
 
Figure 20.28 : Radiographie thoracique d’un malade avec un défibrillateur implanté en région pectorale gauche. L’électrode bipolaire est placée à l’apex du VD. Les deux électrodes de défibrillation (coils) sont clairement visibles (flèches); elles se différencient de celles d'un pace-maker par leur longueur et leur épaisseur [4]. 
 
Si l’on utilise des appareils électro-magnétiques au cours de l’intervention prévue (électrocoagulation, choc électrique, lithotripsie), les fonctions de cardioversion/défibrillation en cas de tachyarythmie doivent être impérativement supprimées, car elles pourraient déclencher des chocs intempestifs par mauvaise interprétation des interférences électriques [2,8]. Il faut également désenclencher la fonction cardioversion/défibrillation avant une intervention où le moindre mouvement peut être catastrophique (ophthalmologie, par exemple) ou avant la mise en place d’un cathéter pulmonaire dont la stimulation mécanique peut déclencher un choc [5]. 
 
Appliquer un aimant suspend le déclenchement des chocs électriques en cas de TV ou de FV sans affecter le mode pacemaker, mais cette mesure n’est pas utilisable pour reprogrammer en fréquence fixe la fonction pace-maker d’un défibrillateur [6]. Toutefois, il est prudent de se renseigner sur la réponse propre de chaque modèle, car les nouveaux systèmes ont des réactions différentes et pourraient être reprogrammés de manière aléatoire si une interférence électromagnétique intervient pendant que l’aimant est appliqué sur le boîtier. Certains modèles ignorent les effets de l’aimant (appareils de Boston Scientific™ et de St Jude™). Si le mode asynchrone est recherché pour le peropératoire, il est nécessaire de reprogrammer l’appareil [2,7].
 
Alors que les appareils disposant d'une électrode intracardiaque ont des capacités de pace-maker en cas de bradycardie ou de tachycardie auriculaire, ceux qui sont munis d'une électrode sous-cutanée ne jouissent pas de cette possibilité; de plus, leur large zone de capture les rend particulièrement sensibles aux interférences électromagnétiques. Comme pour les défibrillateurs transveineux, l'application d'un aimant sur un défibrillateur sous-cutané inhibe la fonction de décharge électrique qui pourrait être stimulée par les courants d'électrocoagulation, mais, à la différence des premiers, il faut ajouter un pacing temporaire en cas de bradycardie; d'autre part, l'aimant doit être positionné à cheval sur le bord supérieur ou inférieur du boîtier (un son émis indique que l'inhibition est accomplie) [1]. La préférence est donnée à une électrode de coagulation bipolaire, et la plaque est placée le plus loin possible sur un membre inférieur (Figure 20.29) [3,6]. 
 
 
Figure 20.29: Algorithme de prise en charge d'un porteur de pace-maker pour une intervention chirurgicale selon les recommandations suisses [6].
 
Les mêmes précautions que pour un pace-maker sont nécessaires en cours d’intervention :
 
  • Utilisation de thermocautère bipolaire ; utilisation de la fonction coagulation plutôt que de la fonction coupe ; épisodes de coagulation intermittents et brefs ; utilisation préférentielle de bistouri ultrasonique.
  • Eloignement maximal de la plaque d’électrocoagulation par rapport au boîtier de défibrillateur ; éviter que les sondes se trouvent dans le circuit entre la coagulation et la plaque ; pas de coagulation à < 15 cm du boîtier. Comme le champ de lecture des défibrillateurs à électrode sous-cutanée est beaucoup plus large, c'est toute la région thoracique qui est concernée; 
  • Un équipement de défibrillation externe doit impérativement être à disposition immédiate ; les plaques de défibrillateurs doivent être placées avant l'intervention à plus de 10 cm du boîtier, et les énergies les plus faibles possibles sont recommandées.
  • Pendant les 3 premiers mois après son implantation, la sonde peut être délogée si le mandrin ou le cathéter d'une voie veineuse centrale pénètre le VD. Le contact entre le mandrin et une électrode peut déclencher un entraînement anti-tachycardique; si le mandrin touche les deux électrodes et réalise un pont électrique entre elles, l'appareil peut délivrer un choc de défibrillation [2].
 
Les réponses possibles d’un défibrillateur aux interférences électromagnétiques sont l’inhibition ou le déclenchement de la fonction pace-maker, un entraînement asynchrone, des chocs de défibrillation, ou des dommages à l’appareil. Ni les substances ni la technique d’anesthésie n’interfèrent avec le fonctionnement d’un défibrillateur. La fréquence cardiaque mesurée sur l'oxymétrie de pouls ou le cathéter artériel est plus fiable que celle mesurée sur le tracé de l'ECG en cas d'utilisation d'appareillage électrique.
 
 
Chirurgie en présence d’un défibrillateur implanté
Anamnèse, âge du boîtier, dernier contrôle (< 6 mois), nombre de chocs. ECG et radio du thorax (sondes, code du boîtier).
 
Les interférences électriques sont interprétées comme des arythmies et l’appareil déclenche des chocs de défibrillation. Les fonctions de cardioversion/défibrillation doivent donc être impérativement supprimées avant l’intervention; sinon elles peuvent l'être par l'application d'un aimant. Un défibrillateur externe (patches collés au malade) assure la veille en salle d’opération.
L’application d’un aimant inhibe en général la fonction défibrillatoire (variable selon les modèles) mais ne convertit pas le pace-maker en mode asynchrone.
 
 
Références 
 
  1. CRONIN B, ESSANDOH MK. Update on cardiovascular implantable electronic devices for anesthesiologists. J Cardiothorac Vasc Anesth 2018; 32:1871-84
  2. CROSSLEY G, POOLE J, ROZNER J, et al. The Heart Rhythm Society/American Society of Anesthesiologists consensus statement on the perioperative management of patients with implantable defibrillators, pacemakers and arrhythmia monitors: facilities and patient management. Heart Rhythm 2011; 8:1114-54
  3. ESSANDOH M, DAOUD EG. Perioperative considerations for patients with subcutaneous implantable cardioverter-defibrillators undergoing noncardiac surgery. J Cardiothorac Vasc Anesth 2016; 30:756-61
  4. GLATTER K, LIEM LB. Implantable cardioverter defibrillator: Current progress and management. Semin Cardiothorac Vasc Anesth 2000; 4:162-79
  5. ROZNER MA. The patient with a cardiac pacemaker or implanted defibrillator and management during anaesthesia. Curr Opin Anaesthesiol 2007; 20:261-8
  6. STICHERLING C, MENAFOGLIO A, BURRI H, et al. Recommendations for the perioperative management of patients with cardiac implantable electronic devices. Cardiovasc Medicine 2016; 19:13-9
  7. STONE ME, SALTER B, FISCHER A. Perioperative management of patients with cardiac implantable electronic devices. Br J Anaesth 2011; 107(S1): i16-i26
  8. ZAIDAN RJ, ATLEE JE, BELOTT P, et al. Practice advisory for the perioperative management of patients with cardiac rhythm management devices: Pacemakers and implantable cardioverter-defibrillators. Anesthesiology 2005; 103:186-98