15.2.5 Arythmies

Chez les congénitaux adultes, les arythmies sont la deuxième cause de complication grave après l'insuffisance ventriculaire; elles sont responsables d'environ 20% des décès, en général sous forme de mort subite [3]. Elles sont le résultat des anomalies anatomiques ou les séquelles de la chirurgie (ventriculotomie, atriotomie, patches). Elles sont également associées à l'insuffisance ventriculaire et l'âge tardif de la correction. Elles sont présentes chez 30% des cas de CIV, chez 10% des cas de CIA, de tétralogie de Fallot ou de ventricule unique, et chez 5% des cas de coarctation, de canal AV, de transposition des gros vaisseaux, d'hypoplasie ventriculaire ou d'anomalie d'Ebstein [4].

D'une manière générale, ces arythmies sont réfractaires au traitement pharmacologique et doivent être prise en charge de manière invasive (thermo-ablation par cathétérisme, implantation de défibrillateurs, excision des faisceaux aberrants ou opération de maze lors d'intervention chirurgicale), mais les récidives sont fréquentes (12-34%) [6]. Les distorsions anatomiques des pathologies congénitales (retour veineux anormal, shunt intracardiaque, ventricule unique) peuvent rendre aléatoire ou dangereux le placement de sondes intravasculaires à cause du risque de thrombo-embolie, et obliger à placer des électrodes épicardiques par sternotomie [1,7]. Dans les cas de shunt D-G résiduel, la présence d'électrodes intracardiaques justifie une anticoagulation systémique [1,4].
 
  • Wolff-Parkinson-White: fréquent dans la maladie d'Ebstein. Traitement: thermo-ablation par cathétérisme ou excision chirurgicale des faisceaux accessoires lors de la reconstruction opératoire de la valve tricuspide.
  • Tachycardie auriculaire par ré-entrée: liée aux incisions, cicatrices et patches, elle consiste en un flutter relativement lent (170-250 batt/min) pouvant conduire à une réponse ventriculaire de 1:1, ce qui entraine une hypotension, une syncope et même une mort subite [6]. La prévalence est maximale après les opérations de Mustard, de Senning ou de Fontan, mais le phénomène peut survenir après toute intervention sur l'oreillette.
  • Fibrillation auriculaire: moins fréquente que la précédente, elle nécessite une anticoagulation par antivitamine K (pas encore d'expérience clinique avec les nouveaux anticoagulants) et une régularisation par cardioversion ou opération de maze (voir Chapitre 20, Ablation chirurgicale de la FA). Malheureusement, les scores comme le CHA2DS2-VASc ne sont pas performants chez les congénitaux, dont le risque thrombo-embolique est plutôt lié à la complexité et à la gravité de la cardiopathie [3].
  • Tachycardie ventriculaire: typique de lésions touchant le VD (tétralogie de Fallot, transposition des gros vaisseaux, ventricule unique, maladie d'Ebstein), elle peut survenir après toute ventriculotomie et tout patch de CIV. Le risque de mort subite est de 2%/an [7]. Les principaux facteurs de risque sont une dilatation du VD, une ventriculotomie, un QRS ≥ 180 ms et un âge > 20 ans au moment de la réparation chirurgicale. Traitement: thermo-ablation par cathétérisme (taux de récidive ≥ 20%), implantation d'un défibrillateur
  • Bradycardie sinusale: certaines interventions sur l'oreillette (fermeture de sinus venosus, opération de Mustard, de Senning ou de Fontan) peuvent léser le nœud du sinus [7]. Traitement: pose de pace-maker endoveineux ou épicardique.
  • Bloc AV: une lésion du nœud AV est fréquente après une correction de canal AV et une intervention sur les valves aortique ou mitrale.
Les principaux facteurs de risque indépendants pour les arythmies graves chez les congénitaux adultes sont la dysfonction du ventricule systémique (FE < 30%), la dilatation du VD, l'élargissement du QRS, les incisions chirurgicales sur les parois cardiaques et l'âge avancé (> 20 ans) au moment de l'opération [1,5]. Le risque de mort subite est élevé après correction chirurgicale de certaines pathologies et justifie la mise en place d'un défibrillateur; c'est le cas dans la tétralogie de Fallot, la transposition des gros vaisseaux, l'anomalie d'Ebstein et le syndrome d'Eisenmenger [2]. Lorsqu'il prend en charge un tel patient, l'anesthésiste doit être prêt à agir immédiatement en cas de dysrythmie sévère: médicaments anti-arythmiques (amiodarone, lidocaïne), patches de défibrillateur collés avant l'induction, etc.
 
 
 Arythmies
Les arythmie sont responsables d'environ 20% des décès. Principaux facteurs de risque:
    - Dysfonction sévère du ventricule systémique (FE > 30%)
    - Dilatation du VD
    - Atriotomie ou ventriculotomie, présence de patches intracardiaques
    - Age > 20 ans au moment de la correction chirurgicale
    - QRS élargi (≥ 180 ms)
 
 
© BETTEX D, CHASSOT PG, Janvier 2008, dernière mise à jour Décembre 2019


Références
 
  1. BHATT AB, FOSTER E, KUEHL K, et al. Congenital hesart disease in older adult. A Scientific Statement from the American Heart Association. Circulation 2015; 131:1884-931 
  2. BUDTS W, ROOS-HESSELINK J, RÄDLE-HURST T, et al. Treatment of heart failure in adult congenital heart disease: a position paper of the Working Group of Grown-uo Congenital Heart Disease and the Heart Failure Association of the European Society of Cardiology. Eur Heart J 2016; 37:1419-27
  3. KHAIRY P, ABOULHOSN J, BROBERG CS, et al. Thromboprophylaxis for atrial arrhythmias in congenital heart disease: a multicenter study. Int J Cardiol 2016; 223:729-35
  4. KHAIRY P, VAN HARE GF, BALAJI S, et al. PACES/HRS Expert Consensus Statement on the recogition and management of arrhythmies in adult congenital heart disease. Can J Cardiol 2014; 30:e1-e63
  5. VILLAFAÑE J, FEINSTEIN JA, JENKINS KJ, et al. Hot topics in tetralogy of Fallot. J Am Coll Cardiol 2013; 62:2155-66
  6. WALSH EP. Interventional electrophysiology in patients with congenital heart disease. Circulation 2007; 115:3224-34
  7. WALSH EP, CECCHIN F. Arrhythmias and adult patients with congenital heart disease. Circulation 2007; 115:534-45