6.6.6 Avantages et limites des technologies

Les nouvelles technologies décrites ci-dessus permettent une quantification continue du débit cardiaque (DC) et une bonne évaluation des variations instantanées du volume systolique. Les systèmes d’analyse du contour de la courbe artérielle détectent les modifications du DC plus rapidement que la Swan-Ganz à débit continu, qui opère sur plusieurs minutes. De ce fait, la corrélation entre les deux méthodes est meilleure en situation hémodynamiquement stable qu’en période d’instabilité. Par ailleurs, l’analyse de la courbe artérielle est davantage influencée par le cycle respiratoire en hypovolémie. La thermodilution transpulmonaire du PiCCO™ et la dilution transpulmonaire du LidCO™ sont aussi précises que la thermodilution pulmonaire de la Swan-Ganz, mais cette dernière est la seule à mesurer le DC du cœur droit, la PAP, la PAPO et la SvO2. Le PiCCO offre la possibilité d'évaluer la précharge (volume télédiastolique global, volume sanguin intrathoracique) et la fonction ventriculaire (fraction d'éjection globale). A l'exception de la Swan-Ganz, tous les systèmes permettent de suivre les variations respiratoires de la pression artérielle en ventilation contrôlée pour l'évaluation de la volémie (voir Tableau 6.6).
 
La mesure du volume systolique (VS) est plus intéressante que celle du DC, parce qu’elle n’est pas corrigée par la fréquence cardiaque. En effet, l’organisme maintient le DC stable sur une grande plage de VS différents par le truchement de modifications de la fréquence ; le DC est donc une valeur spontanément corrigée, alors que le VS est une valeur primaire directement influencée par la précharge et la performance systolique du VG. Sa variation est très utile pour suivre l’évolution de la volémie en cours d’intervention. D’autre part, le DC n’est pas une mesure de fonction ventriculaire, mais un paramètre réglé par rapport aux besoins métaboliques de l’organisme. Sa valeur résulte de la performance systolique du VG, de la capacitance du lit vasculaire et de la volémie. Son adéquation aux besoins peut être surveillée par la SvO2/SvcO2 et la qualité de la perfusion tissulaire par la ScO2.
 
Alors que le cathéter pulmonaire mesure le débit du cœur droit, les systèmes d’analyse de la courbe artérielle évaluent celui du cœur gauche. Le premier est donc indiqué en cas de pathologie du VD et de la circulation pulmonaire ; les deuxièmes sont plus pertinents dans les pathologies systémiques, mais ils perdent de leur précision dans les situations de vasoplégie (sepsis) ou de vasoconstriction importante (hypovolémie). Les appareils sans étalonnage (FlowTrac/Vigileo™) et les dispositifs non-invasifs sans cathéters artériels ne sont pas interchangeables avec les systèmes de thermodilution (Swan-Ganz, PiCCO™), car ils ont une trop grande marge d'erreur (> 40%), particulièrement lorsque les conditions hémodynamiques sortent de la normalité, notamment en cas de variations importantes des RAS et du DC [1,1,4]. Or le but d'un moniteur est d'alerter et de quantifier une situation hémodynamique anormale pour qu'on puisse en tirer des conclusions thérapeutiques. Des appareils qui perdent leur fiabilité en-dehors des conditions physiologiques sont sans intérêt en chirurgie cardiaque. Dans les études comparatives, la précision et la fiabilité d'un dispositif sont tributaires de la technique à laquelle il est comparé. Il s'agit en général de la mesure du débit cardique par thermodilution pulmonaire (Swan-Ganz) ou transpulmonaire (PiCCO™), mais beaucoup d'analyses ont utilisé le Doppler oesophagien ou l'échocardiographie. Malheureusement chacune de ces techniques présente son propre taux d'erreur et de variabilité, et aucune ne peut être considérée comme une réelle mesure-étalon. Dans ces conditions, un système est déclaré imprécis parce que ses résultats diffèrent de ceux d'un autre qui est lui aussi imprécis [3]. Il est donc prudent de garder à l'esprit la relativité fondamentale de ces jugements. 
 
Les systèmes pléthysmographiques non-invasifs sont résevés aux interventions mineures ou intermédiaires [1,5]. De toute manière, la mesure du DC et du VS n’a de sens que dans le cadre d’une prise en charge dirigée en fonction d’un protocole de soin visant à normaliser la volémie, la postcharge et la contractilité (goal-directed fluid adminisitration) (voir Monitorage de la volémie). Il y a peu d’évidence dans la littérature pour démontrer l’impact de la mesure routinière du débit cardiaque si elle n’est pas accompagnée d’un algorithme thérapeutique. 
 
 
Avantages et limites
Le volume systolique est une mesure primaire, alors que le DC est corrigé par la fréquence cardiaque. L’indication à la mesure du DC est restreinte aux situations où celle-ci apporte la réponse à une question spécifique et modifie de ce fait la thérapeutique en fonction d’un protocole de soin.
 
Malgré ses imperfections, la mesure du VS et du DC par thermodilution (Swan-Ganz) reste la mesure-étalon en clinique ; de plus, la Swan-Ganz permet la mesure de la PAPO (adaptation des perfusions en hypervolémie) et de la SvO2 (adéquation du DC aux besoins de l’organisme). La SvO2, la SvcO2 et la ScO2 mesurent l’adéquation de l’oxygénation tissulaire. 
 
Les systèmes de type PiCCO permettent le suivi des variations du VS et de ses oscillations avec les ΔPit de l’IPPV (indice dynamique de volémie). Les systèmes sans étalonnage et les appareils pléthysmographiques non-invasifs ont une très grande marge d'erreur (> 40%) dès que les conditions hémodynamiques sortent de la normalité, notamment en cas de variations importantes des RAS et du DC. Aucun des dispositifs non-invasifs ne présente un pourcentage d'erreur acceptable. 


© CHASSOT PG  Août 2010, dernière mise à jour Août 2017
 

Références
 
  1. BERNARDS J, MEKEIRELE M, HOFFMANN B, et al. Hemodynamic monitoring: to calibrate or not to calibrate ? Part 2 – Non-calibrated techniques. Anaesthesiol Intens Ther 2015; 47:501-16
  2. JOOSTEN A, DESEBBE O, SUEHIRO K, et al. Accuracy and precision of non-invasive cardiac output monitoring devices in perioperative medicine: a systematic review and meta-analysis. Br J Anaesth 2017; 118:298-310
  3. LE MANACH Y, COLLINS GS. Disagreement between cardiac output measurement devices: which device is the gold standard ? Br J Anaesth 2016; 116:453-5
  4. PEETERS Y, BERNARDS J, MEKEIRELE M, et al. Hemodynamic monitoring: to calibrate or not to calibrate ? Part 1 – Calibrated techniques. Anaesthesiol Intens Ther 2015; 47:487-500
  5. RENNER J, SCHOLZ J, BEIN B. Monitoring cardiac function: echocardiography, pulse contour analysis and beyond. Best Practice Res Clin Anaesthesiol 2013; 27:187-200